Présentée du 20 juin au 18 octobre 2015 au musée d’art et d’histoire de Saint-Brieuc, l’exposition Par quatre chemins propose un parcours à la découverte de quatre univers artistiques singuliers, issus de la scène bretonne. D’un premier abord assez éclectique, cette sélection témoigne d’une richesse et d’une vivacité de création commune. Un regard attentif permet de déceler quelques chemins de traverse les reliant, d’inspiration réelle ou fictionnelle, scientifique ou portant sur un certain état du monde.
La pratique de Nikolas Fouré se nourrit des valeurs de la répétition et de l’amplitude des variations. Mêlant monde vivant et technologie, l’artiste base son travail sur le dessin, qu’il peut décliner en volume, en composition performative ou en installation. Il répète des actions simples (empreinte d’un tampon encreur, suite de traits de crayon, assemblage de modules géométriques), jusqu’à épuisement du support et saturation de l’espace, provocant le renversement des repères et les jeux de nuances. Toujours identiques mais jamais tout à fait semblables, les motifs répétés, manuscrits ou manufacturés, admettent une dimension aléatoire qui ouvre sur une forme sensible de récit. L’énergie du labeur prend ainsi une valeur légère et poétique quand la rigueur du geste fait place à l’harmonie du rythme et l’équilibre du tout. De ces protocoles de travail que l’artiste s’impose, naît un rapport étiré au temps que le spectateur saisit à son tour au fur et à mesure de la perception fine de l’œuvre.
Le terrain de travail de Benoît Laffiché est à l’échelle de la planète entière. Parcourant divers territoires de par le monde, il voyage à la rencontre des habitants du «village global» et tente de comprendre les enjeux de la mondialisation, les problématiques liées à l’époque postcoloniale, les contrastes nord/sud. Ni documentaires, ni reportages, ses films témoignent de l’altérité et prennent pour sujet les mouvements migratoires, l’économie, à l’aune du système géopolitique contemporain.
Après de longs mois de recherche et de rencontres successives, d’intégration dans le quotidien d’un groupe d’hommes et de femmes, l’artiste transmet l’histoire de territoires singuliers, qui cristallisent en leur sein des enjeux majeurs liés à l’espace et au temps. Soucieux du rendu en images de ses réflexions, l’artiste s’attache à une mise en forme artistique respectueuse du sujet. La modalité de présentation en exposition instaure une distance avec le réel et permet au spectateur d’opérer son propre montage en se déplaçant dans l’espace.
Le travail d’Angélique Lecaille s’impose par ses proportions, paradoxalement en contraste avec son médium de prédilection, le dessin. Couvrant de grandes surfaces à la mine de plomb, elle fait exister un univers que l’on ne saurait assurément situer géographiquement, entre récit d’anticipation et restitution d’un passé historique, dont la précision et la justesse du tracé laisse cependant croire à une possible vraisemblance. Les formes sculpturales en bois sablé ou brûlé, semblant tout droit extraites de ses dessins, pourraient aussi attester de la véracité de ce paysage étrange et singulier, si ce n’est ce choix du noir, contrasté et nuancé à l’infini, qui opère une distance entre le spectateur et l’œuvre. Cette densité du noir, maîtrisé et dompté, irradié par la lumière, relève d’une virtuosité de la technique, synthétisée dans la grande précision de ses sujets, des paysages saisissants, tourmentés, où les éléments semblent se déchaîner, et où la figure humaine paraît à jamais absente.
Le travail de Samir Mougas se situe à la croisée de la peinture et de la sculpture, où volumes et couleurs tiennent une place de choix. Générateur de figures abstraites, l’artiste puise son vocabulaire plastique dans le domaine industriel, dans l’imagerie populaire comme dans la littérature. Épurées ou détournées, dessaisies de leur contexte initial, ces formes devenues sculptures ou objets muraux occupent une nouvelle place vacante que le visiteur pourra investir de sa propre histoire. Si les figures dessinées par l’artiste ont une origine bien précise et un ancrage dans le réel, leur reconnaissance par le spectateur ne constitue pas l’ambition majeure de l’oeuvre. Le titre retenu ne revêt pas davantage un rôle d’indice quant à une interprétation dirigée ; il ouvre une autre voie vers la coexistence des signes. Son travail, en ce sens, s’apparente à «l’œuvre ouverte», notion développée en 1962 par l’essayiste Umberto Eco. Une œuvre plurielle, «un message fondamentalement ambigu», une réserve inépuisable de significations, une matière inachevée, une constellation infinie.
Par quatre chemins est une exposition organisée par le Frac Bretagne en partenariat avec le musée d’art et d’histoire de Saint-Brieuc. Avec le soutien de l’École des Beaux-arts Émile Daubé. Et le concours de la Galerie Mélanie Rio, Nantes-Paris, qui représente Angélique Lecaille.
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