Les fantômes de l’opéra

Faites défiler la page sur votre écran et retournez l’image pour obtenir plus d’informations sur chaque œuvre !

Basma Alsharif

Sur scène, la présence spectrale de Gaza

Basma Alsharif

Née en 1983 au Koweït (Koweït)
Vit et travaille à Berlin (Allemagne)

Basma Alsharif, Deep Sleep, 2014 Collection Frac Bretagne © Basma Alsharif Crédit photographique : Basma Alsharif (capture video

Artiste et cinéaste, Basma Alsharif met ses origines palestiniennes et le nomadisme de sa vie au cœur de son travail. Née au Koweït et élevée entre la France, la Jordanie, les États-Unis et la Bande de Gaza, elle a développé une pratique nomade. Son expérience personnelle se reflète dans son travail, qu’elle décrit comme présentant un point de vue subjectif non géographique. Sa pratique se situe à l’intersection du cinéma et de l’installation et se concentre sur la condition humaine à travers divers paysages, environnements et géographies.

Deep Sleep, 2014 (film super 8 transféré sur support numérique HD ; durée : 12’37’’)

Empêchée de se rendre sur la Bande de Gaza en raison d’un conflit frontalier, l’artiste entreprit de s’adonner à l’étude et la pratique de l’autohypnose dans le but d’être dans plusieurs endroits à la fois. Deep sleep (2014) est un film Super 8mm filmé au milieu de ruines abandonnées à Malte, Athènes et Gaza, reliant ces trois sites monumentaux dans une tentative de transmettre l’expérience d’être à Gaza.
L’artiste puise dans le cinéma d’avant-garde historique pour produire une invitation à transcender les frontières géographiques en alternant images stroboscopiques, superpositions de paysages, le tout accompagné d’une bande sonore faite de prélèvements des sons des différents lieux.

Piero Gilardi

Au balcon, apparaissent des créatures et leurs revendications

Piero Gilardi

Né en 1942 à Turin (Italie)
Vit et travaille à Turin (Italie)

Piero Gilardi, O.G.M. Free, 2014 Collection Frac Bretagne © Piero Gilardi Crédit photographique : Courtesy Galerie Michel Rein

Piero Gilardi est un pionnier de l’« arte povera » (« art pauvre »), un art qui se développe à partir de matériaux naturels et périssables dans les années 1960. Ne séparant jamais son œuvre de son militantisme écologiste, Piero Gilardi s’intéresse par la suite aux nouvelles technologies et à un matériau synthétique, la mousse de polyuréthane, incarnant pour lui une réflexion sur la mort de la nature. Ses œuvres les plus connues sont des « tapis-nature » artificiels, réalisés dans cette mousse. L’artiste les imagine comme des tranches de paysages de champs, de forêts mais aussi des monuments paradoxalement « pop » en mémoire de la Nature.

O.G.M. Free, 2014 (mousse polyuréthane, bambou, tissu)

O.G.M. Free est une œuvre effrayante et drôle qui est autant à exposer que costume à porter dans une manifestation. Elle illustre l’engagement de l’artiste sans concession en faveur du resserrement des liens entre l’art et la vie, sur le terrain de l’expérimentation collective et dans les combats politiques de ces trente dernières années.

 

Jan Krizek

Dans le Foyer de l’Opéra, attendent des figures humaines énigmatiques

Jan Krizek

Né en 1919 à Dobromerice (République Tchèque), décédé en 1985 à Goulles (France)

Jan Krizek, (Sans titre), 1954-1959 Collection Frac Bretagne © droits réservés Crédit photographique : Hervé Beurel

Ensemble Sans titre, 1954-1959 (terre cuite et encre)

Jan Krizek s’intéresse à un large champ de domaines, de l’art religieux à la physique moléculaire en passant par l’architecture et l’anatomie.

Inspiré par la représentation de la figure humaine, il pratique la sculpture et explore l’art archaïque, la statuaire sumérienne, grecque, précolombienne et romane.

Il développe cette pratique à Paris dès 1947, sans moyens, matériels et d’espaces, en utilisant notamment des pierres de démolition qu’il ramasse sur des chantiers. Son travail de sculpture est remarqué par des critiques d’art et de nombreux artistes comme par Charles Estienne, André Breton, Jean Dubuffet ou Pablo Picasso. Il réconcilie le savoir et l’intuition, l’archaïsme et la modernité. Son œuvre est assez inclassable, revendiquée dans le contexte parisien des années 1950 aussi bien par les tenants de l’Art informel, les protagonistes de l’Art brut, que les surréalistes et les tachistes. En 1962, l’artiste détruit une grande partie de son œuvre et quitte brusquement Paris. Il arrête quelques temps après, définitivement, la sculpture. Installé en Corrèze, il y vit de l’apiculture, continuant à dessiner des plans pour de potentielles œuvres en trois dimensions.

Jean-Julien Lemordant

Au plafond, la danse bretonne plane, irréelle

Jean-Julien Lemordant

Né en 1882 à Saint-Malo (France), décédé en 1968 à Paris (France)

Jean-Julien Lemordant, Etude pour le rideau du Théâtre de Rennes, vers 1914 Collection Frac Bretagne © droits réservés Crédit photographique : droits réservés

Peintre décorateur, amoureux et fervent défenseur de la culture bretonne aux côtés du socialiste libertaire Emile Masson, Jean-Julien Lemordant naît dans un milieu très modeste et étudie l’art avec beaucoup d’obstination à Rennes puis Paris. Très attaché à la Bretagne, il s’installe en Finistère sud (Saint-Guénolé – Penmarc’h) après ses études, se consacrant à traduire par la peinture la vie du peuple ouvrier ou marin, et à contribuer par ses décors à l’évolution et à l’éducation de ce peuple. Qualifié de « fauve » breton, la pratique de Jean-Julien Lemordant témoigne de la mode, depuis Pont-Aven, des tableaux accrochés dans les cafés et de l’importance des peintres en Bretagne, en particulier au moment de la naissance du tourisme. En 1905, il reçoit la commande de la décoration des salles à manger de l’hôtel de l’Épée à Quimper. Il réalise une frise de près de 60 mètres, véritable hymne au peuple bigouden. Après la guerre, devenu aveugle suite à une blessure à la tête, il aborde une autre vie.

Étude pour le théâtre de Rennes, vers 1914 (pastel sur papier)

En 1912, l’artiste reçoit du Maire de Rennes Jean Janvier, la commande du plafond du théâtre. Le sujet de la composition devant orner cette surface se devait d’être une danse bretonne dans laquelle figurereraient les costumes variés de Bretagne. Il exécute cette œuvre sur une très grande toile, dans son atelier parisien, d’après des études et esquisses qu’il réalise au lavis, au fusain, au pastel, à la gouache, ou à l’huile, et d’après modèle, en faisant poser des hommes et des femmes de Pont-Aven, Pont-l’Abbé, Fouesnant, Huelgoat, Penhors, Plougastel-Daoulas et Saint-Guénolé. C’est à Penmarc’h, en observant les couleurs intenses du ciel et le flux des nuages que l’artiste imagine une composition tout en volumes et en mouvements où des hommes et des femmes se tiennent par la main, s’amusent en harmonie avec un environnement magique, dans une danse bretonne non spécifiée. Le décor sera mis en place en 1914 et salué par la critique. L’œuvre finale, plus nette et rigoureuse perd un peu de l’intensité colorée et de la liberté de touche des esquisses.

Pauline Boudry & Renate Lorenz

Un collier fantasmé ? Des chaînes oubliées ?

 

Pauline Boudry & Renate Lorenz

Née en 1972 à Lausanne (Suisse)
Née en 1963 à Bonn (Allemagne)
Vivent et travaillent à Berlin depuis 2007


Pauline Boudry / Renate Lorenz, Wall necklace piece (I know where I come from), 2021 Collection Frac Bretagne © Pauline Boudry / Renate Lorenz Crédit photographique : Aurélien Mole

Pauline Boudry et Renate Lorenz travaillent ensemble à Berlin depuis 2007. Elles produisent des films, des installations et des sculptures fortement liés à la performance, chorégraphiant la tension entre narration et abstraction, visibilité et opacité. Leurs interprètes sont des chorégraphes, des artistes et des musicien.nes, avec lesquel.les elles ont de longues discussions concernant les conditions de la performance et l’histoire violente du regard, mais aussi sur la camaraderie, le glamour et la résistance.

Wall necklace piece (I know where I come from), 2021 (chaînes métal et mousquetons)

Cette oeuvre se compose d’une variété de chaînes suspendues sous la forme d’un collier : ce sont des chaînes utilisées pour sécuriser les espaces contre les intrusions, pour définir les périmètres de propriétés, pour enchaîner les gens et les objets, non seulement en prison mais aussi dans la culture queer, S/M et les nightclubs, et utilisées comme bijoux dans différentes sous-cultures.

Pascal Rivet

Mais qui a laissé ces mobylettes ?

Pascal Rivet

Né en 1966 à Quimper (France)
Vit et travaille à Guipavas (France)

Au début des années quatre-vingt-dix, Pascal Rivet décide de se fabriquer une carrière fictive de sportif de haut niveau. Véritable amateur de cyclisme et admirateur de ses champions, il s’approprie cet univers populaire afin d’en révéler les enjeux et les prolongements dans le monde de l’art mais également dans le quotidien. De l’univers du sport au monde paysan, Pascal Rivet poursuit depuis plusieurs années son travail autour de la culture populaire et du monde du travail, avec un goût prononcé pour le simulacre et la fiction. De nature protéiforme, sa pratique accorde une place prédominante à la sculpture, le plus souvent monumentale.

Fox, 2003 (bois de voliges et aggloméré peints)

Fox est une série de six mobylettes en bois de voliges, faisant partie des sculptures réalisées à l’échelle 1 par Pascal Rivet autour d’une réflexion sur les outils de travail iconiques. Une fois le modèle repéré, l’artiste prend des mesures pour fabriquer lui-même les pièces nécessaires. L’artiste se livre ici à un jeu d’illusion en impliquant le public et en opérant des allers-retours entre le monde quotidien et le monde de l’art, sans jamais chercher à dissimuler ses trucages, affirmant ainsi son plaisir de fabriquer sans avoir recours à des procédés industriels.

Nora Turato

Écoutons les paroles d’une voix aux multiples visages

Nora Turato

Née en 1991 à Zagreb (Croatie)
Vit et travaille à Amsterdam (Pays-Bas)

Nora Turato, Thanks I hate it!, 2020 Collection Frac Bretagne © Nora Turato Crédit photographique : Courtesy de l’artiste (capture vidéo)

Nora Turato est une artiste croate qui travaille à partir de la langue circulant sur Internet et les réseaux sociaux : conversations tirées d’émissions de téléréalité, discours marketing, propos politiques… Cette langue où les sources se confondent, devenant tout à la fois privée et publique, se retrouve dans ses vidéos, livres d’artiste, œuvres murales et installations. Nora Turato crée également des performances cathartiques où elle scande cette langue inventée faite de fragments de textes.

Thanks I hate it!, 2020 (vidéo couleur, sonore ; durée : 30’47’’)

Enregistrement d’une performance, la vidéo Thanks, I hate it ! se présente, sous la forme d’un téléprompteur très difficile à suivre, sans majuscule ni ponctuation, une déclamation délirante quant à la société de consommation, le capitalisme, la vérité à l’heure des réseaux sociaux, etc. La vitesse de la diction ne permet ni de réellement lire ni de suivre le texte. On y parle des costumes Armani comme icônes du chic dans les années 1980, de la notion de vérité alternative à l’heure de Twitter, de racisme, de capitalisme cannibale et de, peu ou prou, tous les maux de notre société. Plus qu’une vidéo à suivre et à interpréter, il  faut y voir une métaphore de notre monde contemporain emporté dans un rythme effréné qui, à vouloir toujours diffuser plus d’opinions, d’idées et de valeurs en perd littéralement son latin pour au final remplir notre espace de bruit.

Victor Yudaev

Sortis d’un songe, des êtres curieux accueillent le public

Your Content Goes Here

Victor Yudaev

Né en 1984 à Moscou (Russie)
Vit et travaille à Marseille (France)

Victor Yudaev, Hélène et Homer, 2020 Collection Frac Bretagne © Victor Yudaev Crédit photographique : Blaise Adilon

Les sculptures et installations de Victor Yudaev sont composées comme des phrases visuelles. La correspondance entre l’écriture et la création de formes plastiques est centrale dans l’approche de cet artiste, inspiré de dramaturgie et de mythologie antique. Souvent, ses œuvres sont pensées comme des ensembles qui se composent et renvoient à une forme inexistante ou à venir : un film imaginé, un poème jamais écrit, une composition musicale inachevée.

Hélène et Homer, 2020 (bois, acier, aluminium, porcelaine, plâtre, fibre, tissu, objets trouvés)

Fantastiques et surréalistes, ces deux sculptures ont été conçues pour la 15e Biennale de Lyon. Le titre est un clin d’œil aussi bien à la poésie grecque antique qu’au poème « The Tower » de W.B. Yeats : « That nothing strange; the tragedy began with Homer that was a blind man, and Helen has all living hearts betrayed ».