Exposition collective
11.10.2024 - 05.01.2025
Frac Bretagne, Rennes

 

Avec le soutien de :

Logo Art Norac

En partenariat avec :

Salzburger-Kunstverein logo

Prix du Frac Bretagne – Art Norac 2024

L’exposition des finalistes

Charles-Arthur Feuvrier, Tania Gheerbrant, Germain Marguillard et Julie Sas sont les 4 finalistes du Prix 2024 ! Du 11 octobre 2024 au 05 janvier 2025, découvrez leurs productions dans la petite galerie du Frac Bretagne.

  

Né en 1997. Vit et travaille à Marseille.

Charles-Arthur Feuvrier est un artiste mauricien français diplômé de l’ESA Réunion et de l’ENSBA Lyon. Son travail a été montré, entre autres, à Buropolis (Marseille), au CAP Saint-Fons, au CAC La Ferme du Buisson (Noisiel), et à la Villette (Paris). Co-fondateur de Monopôle, un artist-run-space, il fait partie des lauréat.es de la bourse Mécènes du Sud Aix-Marseille en 2022 et suit le programme GENERATOR à Rennes en 2023.

Charles-Arthur Feuvrier fait partie d’une génération née avec le digital. Les réseaux sociaux lui ont ouvert les portes des identités multiples. Mais aussi à la défiance envers les fake news, les récits complotistes et la puissance de la rumeur. L’artiste remobilise les codes visuels des réseaux sociaux, imagerie 3D, formats récréatifs saisis en quelques secondes sur son écran de téléphone. Dans ses installations qui donnent aux écrans une dimension physique, on retrouve des icônes issues de la culture Internet mainstream et de l’industrie du divertissement. De son expérience de la double-culture, entre la France et l’île Maurice, l’artiste questionne les identités transnationales et les imaginaires collectifs qui les soutiennent.

Au Frac Bretagne, l’artiste prolonge son dernier projet autour de la savate Dodo, présenté à Glassbox, à Paris, en juin 2024. Dans la vidéo qu’il a réalisée pour l’occasion, la tong mauricienne raconte son propre mythe. Créée en 1968, année de l’indépendance de l’île, cette chaussure est passée d’attribut des populations pauvres à souvenir « traditionnel » proposé au million de touristes internationaux séjournant chaque année dans les hôtels de luxe du pays. Dans le grand travelling qui voit défiler des paysages surréalistes et idylliques bricolés sur Photoshop, on aperçoit des sculptures érigées à l’effigie de cette nouvelle divinité de la consommation. À travers un objet tout à la fois emblématique et banal, Charles-Arthur Feuvrier aborde l’identité créole à l’ère du capitalisme digital.

Pour exagérer l’omniprésence de la savate Dodo, l’artiste a produit une série de sculptures de forme humaine qui fait partie intégrante de l’installation. Les bas-reliefs de bois peint en rose sont maintenus sur des bras articulés évoquant ceux de tablettes ou de téléphones. Démesurés, déformés, peut-être même en mutation, les savates suscitent une fascination proche des fétiches, des totems ou des reliques modernes.

La savate Dodo devient alors un symbole des diasporas créoles qui perpétuent l’adoration de ce symbole culturel à travers les réseaux sociaux. À travers ces « sphères publiques diasporiques », c’est-à-dire la relation qu’entretient la diaspora avec sa culture d’origine selon le sociologue indo-américain Arjun Appadurai, ces communautés globalisées forgent de nouvelles formes d’identifications transnationales.

Texte : Ilan Michel.

Née en 1990. Vit et travaille à Paris et Zurich.

Elle est diplômée de l’EESAB – site de Rennes en 2014, puis de l’ENSBA-Paris en 2017. Son travail a été présenté dans diverses expositions collectives en institutions, notamment : au Palais de Tokyo, Paris (2024), à la Bally Foundation, Suisse (2023), à la Chapelle des Beaux-Arts de Paris (2022), au 66e Salon de Montrouge (2022) ; au Point Commun, Annecy (2021), à la Fondation Fiminco, Romainville (2021), au Palais des Beaux-Arts de Paris (2021), à la Panacée MoCo, Montpellier (2019), à La villa Radet, Paris (2019) ou à The Other Art Fair, Turin, Italie (2018). Elle est lauréate de différentes bourses, programmes de résidences et prix, dont le Prix des Amis des Beaux-Arts, la résidence de la Cité Internationale des Arts ou des Ateliers Vivegnis International en Belgique. Ses dernières œuvres ont été commanditées par la Fondation Bally ou soutenues par le Palais de Tokyo et la DRAC Île-de-France.

Tania Gheerbrant s’intéresse depuis plusieurs années à la question de la norme dans le champ de la santé mentale, et plus particulièrement à ce que la psychiatrie nomme l’« hallucination » auditive. Loin de considérer ce trouble comme le simple symptôme d’une maladie, l’artiste explore cette perception du monde élargie qui interroge nos propres comportements. Ses installations invitent le.la spectateur.ice à modifier sa posture d’écoute. Le temps de l’archive s’y confond avec celui de l’expérience et participe à une nouvelle économie de l’attention.

Les recherches de Tania Gheerbrant l’ont conduite à explorer l’histoire des institutions psychiatriques, généalogie dont elle rend compte à travers une pratique filmique et un travail graphique. L’artiste collectionne des documents oubliés, fanzines et magazines, afin de construire une contre-histoire de la folie. Ces recherchent interviennent à une époque où le manque de soignant.es  dans les hôpitaux contraint à l’utilisation des chambres d’isolement et à la multiplication des traitements psychotropes.

Depuis deux ans, Tania Gheerbrant travaille avec un groupe de patient.es du « Réseau des Entendeurs de voix » (REV). Cette communauté, fondée aux Pays-Bas en 1988, émerge en France en 2011. Elle permet aux usagers, usagères de partager leurs expériences, et de trouver des méthodes pour apprivoiser leurs voix, en évitant l’enfermement et la prise de médicaments. Ces cercles de paroles se tiennent hors du cadre médical pour mieux reconsidérer l’expertise des patient.es. Dans cette approche, la parole est thérapeutique car elle permet de déplier ce que les voix ont à dire du sujet, quand la psychiatrie traditionnelle n’y voit que le symptôme d’une déviance. Elle devient alors un puissant outil collectif visant le « rétablissement », qui, à la différence de la « guérison » clinique, est décrété par le sujet concerné, en première personne.

Pour le Prix du Frac Bretagne – Art Norac, Tania Gheerbrant déploie une grande fresque qui recompose les mots et les images du bulletin militant Gardes Fous, fondé à Paris en 1974 par des psychiatres et des patient.es, et du fanzine canadien In A Nutshell fondé en 1971 par une association de patient.es.

Elle présente également son film Twin in the clouds and other stories [Jumeaux dans les nuages et autres histoires], où elle donne à voir des témoignages sur l’entente de voix et le rétablissement. Mise en scène et documentaire se confondent : un acteur se substitue à l’interviewé quand l’anonymat le requiert ; un.e chanteur.euse de cabaret reprend une chanson d’Hubert-Félix Thiéfaine réécrite par l’artiste ; des poèmes écrits il y a plus de cinquante ans, lu par un entendeur et sa mère, résonnent dans la forêt. L’artiste entremêle ainsi témoignages bruts et poésie pour faire entendre au mieux une parole trop longtemps confisquée.

Texte : Ilan Michel.

Né en 1997. Vit et travaille à Rennes.

Diplômé de l’EESAB – site de Rennes en 2021, Germain Marguillard développe une pratique concentrée autour de gestes sculpturaux et scénographiques. Son travail a depuis été présenté lors de plusieurs expositions personnelles et collectives, notamment à Passerelle, centre d’art contemporain, Brest, au DOC, Paris, à l’Hôtel Pasteur, Rennes et au Quatre artistrunspace, Rennes.

Les sculptures de Germain Marguillard empruntent leurs formes à la science autant qu’à l’ésotérisme. Derrière la croyance dans le progrès technologique se profile un processus alchimique. L’artiste soumet ses matériaux à des opérations de transformation hérités de savoirs ancestraux, précapitalistes ou extra-occidentaux. L’objectivité du savant repose ici sur un système de croyances symboliques. L’artiste réunit alors des univers que tout oppose : la physique et la biologie flirtent avec le décoratif autant que le spirituel.

C’est avec poésie que Germain Marguillard explore l’ambivalence entre l’esthétique de laboratoire et cette « mythologie camouflée » dont parlait déjà l’historien Mircea Eliade en 1965 (Le sacré et le profane, Paris : Gallimard, 1965). Le diptyque Fenêtre quantique est emblématique de cette recherche. Produit à l’occasion de l’exposition À l’infini, pas du tout à Passerelle, centre d’art contemporain à Brest (2023), le bas-relief en céramique et bois calciné reprend la forme d’un schéma de physique quantique, science qui étudie le comportement des particules composant les atomes. Cependant, sa forme répétitive, son matériau fragile et précieux, lui confèrent tout autant des airs de vitrail artisanal. Dans cette œuvre manifeste, la particule se déploie de façon ondulatoire – la physique quantique ayant prouvé qu’elle pouvait se trouver dans une infinité d’endroits en même temps selon un champ de probabilités. La matière n’est alors pas conçue comme une chose morte, mais comme un flux d’énergie à l’aspect liquide soumis à des distorsions. En s’inspirant de l’approche quantique du monde, Germain Marguillard fait évoluer l’idée selon laquelle l’œuvre d’art serait une « fenêtre ouverte sur l’histoire » (selon Leon Battista Alberti dans son traité De Pictura en 1435) pour la conduire vers une forme abstraite ouverte à la dimension mystique de l’univers.
Les nouvelles recherches de l’artiste interrogent la relation que nos corps entretiennent avec l’eau. L’imaginaire de l’eau et du corps parcourt la littérature – Virginia Woolf écrivait « Il y a des marées dans le corps » dans son roman Mrs Dalloway en 1925 – comme elle parcourt nos cellules et conserve la mémoire des substances que nous ingurgitons. Germain Marguillard réalise une nouvelle série de sculptures, récipients de grès noir qui évoquent des objets rituels accompagnés de céramiques aux formes organiques. Inspirées, entre autres, par le concept d’hydroféminisme, théorisé par la philosophe écoféministe Astrida Neimanis, ces productions questionnent la dimension fluide du corps, au-delà des seuls êtres humains, et le caractère sacré d’une ressource qui vient à manquer.

Texte : Ilan Michel

Née en 1990. Vit et travaille à Paris.

Diplômée de la HEAD-Genève en 2015, artiste et autrice, sa pratique se déploie sous la forme d’installations, de vidéos, de poésies, d’éditions, de pédagogies expérimentales, d’essais, et de traductions. Ses expositions personnelles récentes incluent XD à la Maison populaire de Montreuil (2022), OK OK K.O à Treignac Projet, (2022), Like a candle in the wind aux Limbes, Saint-Étienne (2023) et Numéro France à Pauline Perplexe, Arcueil (2023). En 2021, elle est résidente à la Maison de la Poésie de Rennes. Elle est l’autrice de Notes de la rédaction publié en 2017 aux éditions Héros-Limite et de Le grand soir est-il paru en 2023 aux Presses séparées de Marseille.

Ses expositions personnelles récentes incluent « XD » à la Maison populaire de Montreuil (2022), « OK OK K.O » à Treignac Projet, (2022), « Like a candle in the wind » aux Limbes (Saint-Étienne, 2023) et « Numéro France » à Pauline Perplexe (Arcueil, 2023) en 2021 elle est résidente à la Maison de la Poésie de Rennes. Elle est l’autrice de « Notes de la rédaction » publié en 2017 aux éditions Héros-Limite et de « Le grand soir est-il » paru en 2023 aux Presses séparées de Marseille.

À l’intersection de l’art conceptuel et de la littérature, Julie Sas réalise des installations, vidéos et performances qui mettent en tension des langages situés avec des faits socio-politiques. Le fait divers est un de ses terrains d’exploration privilégié. Si « les faits divers, ce sont aussi des faits qui font diversion » estimait le sociologue Pierre Bourdieu dans Sur la télévision en 1996, ces informations largement médiatisées sont caractéristiques des mises en récit contemporaines de la norme et de la déviance. Julie Sas interroge la part de fantasme et de paranoïa qu’ils provoquent sur les citoyen.nes, comme lors de son exposition XD à la Maison Populaire de Montreuil autour de l’affaire Dupont de Ligonnès, en 2022. L’image médiatique comme outil de contrôle amène l’artiste à s’intéresser aux dispositifs de surveillance de masse mis en place par nos sociétés.

Dans le cadre du Prix du Frac Bretagne – Art Norac, elle propose une reprise de la vidéo K5, initialement présentée aux Limbes à Saint-Étienne en 2023, dans le cadre d’une exposition intitulée Like a candle in the wind. Cette installation trouve son origine dans un fait divers qui a marqué l’opinion mondiale : en 2017, un robot de surveillance doté d’intelligence artificielle, et aux faux airs d’R2D2, s’est noyé dans le bassin d’un centre commercial à Washington. Ce robot de sécurité, mesurant un mètre et demi et ayant la forme d’un œuf, avait pour mission d’assister les forces de sécurité humaines pour un salaire inférieur à celui des agent.es. L’événement, enregistré et diffusé sur Internet, a rapidement pris une dimension virale, devenant lui-même un fait divers. La vidéo explore l’ensemble des commentaires et des spéculations autour de la chute de ce robot intelligent, suggérant qu’il pourrait s’agir d’un acte suicidaire. En dotant la machine d’affects humains, les internautes témoignent autant de nos croyances quasi religieuses dans une technologie sans faille que de leurs propres angoisses sécuritaires. La vidéo intitulée K5, du nom de ce robot, s’inspire de l’esthétique du spot publicitaire. Le robot, tournant littéralement en rond, s’exprime à la première personne. Le montage, mêlant des images trouvées et détournées (found footage) qui évoquent les images de surveillance amateur, met en lumière la relation entre le sentiment d’insécurité, le capital économique et les valeurs militaires impliquées dans la conception de ces nouvelles intelligences artificielles.

Texte : Ilan Michel

  

Leurs travaux sont présentés au Frac Bretagne du 11 octobre 2024 au 05 janvier 2025 dans le cadre d’une exposition collective.

Le travail de la lauréate, Tania Gheerbrant, fera l’objet d’une exposition personnelle au Salzburger Kunstverein, Salzbourg, Autriche, en mai 2025.

Partenaire du Prix 2024 : le Salzburger Kunstverein en Autriche

Le Salzburger Kunstverein, fondé en 1844 à Salzbourg, est l’une des plus anciennes et des plus prestigieuses structures d’art contemporain d’Autriche. Installé dans l’historique Künstlerhaus de la ville, le Salzburger Kunstverein propose des expositions et des projets d’artistes qui façonnent le discours artistique d’aujourd’hui et permet à un large  public d’accéder à l’art et à ses débats. Les  espaces d’exposition du Salzburger Kunstverein s’étendent sur 500 m². Le bâtiment dispose également de 21 studios utilisés par des artistes locaux et locales et des initiatives artistiques, ainsi que par des résidents internationaux et résidentes internationales, d’une bibliothèque et d’un restaurant.

Les artistes nommé.es pour le Prix du Frac Bretagne – Art Norac 2024 bénéficient de l’accompagnement du centre d’art 40mcube à travers la plateforme de formations artistforever.

Logo Artistforever 40mcube

Tout savoir sur le Prix du Frac Bretagne – Art Norac

  


Visuel, de gauche à droite : © Charles-Arthur Feuvrier / Tania Gheerbrant, © Dominik Zietlow / © Germain Marguillard, Adagp, Paris 2024 / ©thispersondoesnotexist.com – Cette image générée par l’intelligence artificielle ne représente personne.