exposition monographique
03.02-14.05.2023
Frac Bretagne, Rennes

 

Liv Schulman

Adidas, Jennifer, Ariel, Woolite, le Chat, la Croix, le Temps, la Sangsue, les Problèmes, la Transformation, l’Ennui

Les films de Liv Schulman détournent les codes télévisuels pour se livrer à une analyse mordante des représentations traditionnelles du genre et de l’identité. Loin de s’enfermer dans des postures savantes, l’artiste préfère jouer avec l’ironie et l’absurde pour mieux mettre à mal tous les poncifs.

Pour son exposition personnelle au Frac Bretagne, Liv Schulman a choisi de présenter les deux saisons de sa série télévisée Brown, Yellow, White and Dead, 2020 et Brown, Yellow, White and Dead Dead, 2022. Le public est invité à s’installer dans un environnement sculptural praticable pour regarder les épisodes diffusés en alternance de part et d’autre de l’espace.

La première saison, Brown, Yellow, White and Dead, 2020 est un huis-clos en quatre épisodes dans lequel Liv Schulman revient sur les thèmes qui lui sont chers : la sexualité, les droits des minorités, mais aussi le processus de création. L’artiste adopte les codes des séries télé et de la télé-réalité et s’attaque à un poncif cinématographique : celui de la réalisation du film en train de se faire. Dans un salon bricolé, barricadé de grands cartons marrons bien scotchés qui isolent l’action du monde extérieur, des producteurs, une réalisatrice et des acteurs discutent d’un projet de film d’horreur qui, ce faisant, se réalise sous nos yeux. Lectures du scénario, tentatives de mise en scènes, analyses, critiques et disputes s’enchaînent, et voient les protagonistes se croquer un orteil ou se rouler par terre. Comme très souvent chez Liv Schulman, ici dans des amas de matières louches et visqueuses, les références inscrivent la série dans la lignée de films comme la Nuit américaine de François Truffaut ou Soigne ta droite de Jean-Luc Godard, dans une ambiance qui emprunte au gore, au cinéma Bis ou aux séries d’horreur populaires. L’un des grands moments de Brown, Yellow, White and Dead est une discussion animée autour de la signification de l’insulte « pédé », où les protagonistes se frottent contre les murs dans une danse joyeuse qui s’emballe : ainsi se manifeste l’engagement LGBTQIA+ du film, sans ambiguïté, mais sur le mode libérateur d’un « état de transe anarchique », se moquant bien des donneur.euses de leçon.

Dans la seconde saison, Brown, Yellow, White and Dead Dead, 2022, l’artiste plante le décor dans un parking souterrain. On retrouve les protagonistes de la première saison qui discutent et mettent en scène les possibles scénarios d’un film d’horreur. Dès le premier épisode, le spectateur est happé par la spirale hypnotique des discours. Des discours désincarnés, « sans queue ni tête », débités par des prosommateurs [1] et prosommatrices en perpétuelle reconversion. Ici, on sait faire du kombucha et du kéfir, on se prend pour une chamane, une diététicienne et une sophrologue. Ici, tout est possible, tout est interchangeable. Les discours du parking présentent une nouvelle masculinité engagée dans les activités artisanales ou traditionnellement associées au féminin. L’heure n’est plus à la verticalité à ce qu’il parait. On monte son propre business tout en veillant à une organisation moins hiérarchique du travail et de la production.

Rédigé d’après les textes Liv Schulman et le chaos créatif par Vanessa Morisset pour Switch on paper, 2021 et Brown, Yellow, White and Dead Dead par Fatma Cheffi, 2022, document public édité par la galerie anne barrault à l’occasion de l’exposition The New Inflation, 9 avril – 22 mai 2022.

[1] Prosommateur est un néologisme issu du terme anglais prosumer. Ce terme cherche à décrire les tendances qu’ont les consommateurs à se professionnaliser et se rapprocher de la figure de producteur (déf. Wikipédia)

L’artiste

Liv Schulman (1985, Argentine) vit et travaille à Paris 

Liv Schulman a étudié à l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy, à la Goldsmiths University de Londres (Grande-Bretagne), à l’UTDT de Buenos Aires et à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts, Lyon. Son travail a été présenté dans de nombreuses expositions personnelles ou de groupe notamment au Bemis Center for contemporary arts à Omaha aux Etats-Unis, au CRAC Alsace à Altkirch, au Centre Pompidou à Paris, à la Fondation Ricard à Paris, au Musée Reina Sofia à Madrid, à la MABA à Nogent-sur-Marne, à Triangle France à Marseille ou encore à la Galerie Centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec. Elle a également participé aux Ateliers de Rennes-Biennale d’art contemporain en 2016.

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Visuel haut : Liv Schulman, Brown, Yellow, White and Dead Dead, Épisode 1. Capture vidéo © ADAGP, Paris 2023 – Courtesy de l’artiste, galerie anne barrault et Piedras galeria