VENT VIOLET
Ancré dans une esthétique photographique résolument saturée et pop, le travail de Louise Mutrel conjugue des icônes populaires et vernaculaires d’ici et d’ailleurs. Sa démarche photographique revendique l’image dans son utilisation contemporaine. Elle évacue toute notion de matérialité attribuée a priori. Ici plus de tirage, de passe-partout ou d’encadrement. L’artiste postule une image libre, toujours en mouvement et dont le nomadisme l’autorise à exister aussi bien dans le flot abyssal des réseaux sociaux ou sous des formes diverses comme des drapeaux imprimés ornant la galerie de la Villette ou aujourd’hui en façade du Frac Bretagne.
Pour autant, si elle sait s’affranchir des codes classiques du médium photographique, Louise Mutrel choisit de ne pas tout confier au numérique pour préférer une approche analogique, mécanique et profondément plastique de la manipulation du visuel par le procédé risographique. Méthode de photocopie offset populaire née au Japon dans les années 1950 et largement utilisée dans le monde entier jusqu’aux années 2000, la risographie confère aux images une texture tramée et une palette chromatique acidulée immédiatement identifiable. Si on pourrait voir dans le recours à cette technique d’impression un brin de nostalgie et un goût prononcé pour un certain look « vintage », l’approche de l’artiste est, au contraire, en parfaite cohérence avec une pratique située dans le présent. La risographie agit comme un filtre mais quand nombre de ses contemporains s’adonnent volontiers au « photoshopage » intensif, Louise Mutrel met les mains dans la matière pour jouer en orfèvre avec les couleurs et l’impression.
Présentées en grand format, ses images agissent comme des « bumper stickers » géants qui viennent corrompre la façade noire du très minimal Frac Bretagne. Ce mur de verre impénétrable s’illumine de ses photographies pour devenir un « wall » au sens numérique du terme sur lequel les images défilent, se déploient et construisent une aventure visuelle et rythmée. La supposée neutralité du bâti devient un champ de possibles, une page paradoxalement blanche qui s’animent des pérégrinations esthétiques de la jeune photographe.
Louise Mutrel nous invite à un « voyage routier éclaté », nous dit-elle. Celui-ci se compose de camions, de paysages montagneux, de rochers, d’un parking (dont les pylônes font délicieusement écho aux alignements granitiques d’Aurelie Nemours) mais aussi de formes plus abstraites dans un collage poétique et onirique à l’échelle du bâtiment. De ses sujets, elle ne dit pas grand-chose. Elles sont offertes à notre regard et charge à nous désormais d’en imaginer l’histoire. Tout juste nous dit-elle que ses cadrages sont inspirés de planches d’estampes japonaises ukiyo-e, « images du monde flottant » en français.
L’ARTISTE
Née en 1992, Louise Mutrel travaille à Arles et Paris. Elle est diplômée à la fois de la Haute École d’Art du Rhin à Strasbourg et de l’École Nationale Supérieure de Photographie d’Arles. En 2017, au Japon, elle collabore avec des artisans locaux en réalisant des expérimentations autour du Washi, un précieux papier traditionnel japonais. Depuis 2020, elle construit une histoire plastique et photographique avec l’impression en risographie. Son travail a été présenté notamment à la Villette, Paris en 2021, aux Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles en 2019 ou à l’Institut Français de Kyoto en 2018.
Visuel bandeau haut de page : Risographie, détail © Louise Mutrel
Images carrousel : vues de l’exposition – Crédit photo : Aurélien Mole